Où se cache le plastique dans l'alimentation?
Vous ingérez l’équivalent du poids d’une carte de crédit par semaine environ! Découvrez où se cache le plastique dans l'alimentation, quelle quantité de plastique vous avalez et quels sont les risques pour votre santé. Voyez aussi les impacts des divers plastifiants et additifs qui peuvent migrer dans les aliments, comme le bisphénol A (BPA), les phtalates, le diéthylhexyle (DEHP), le polychlorure de vinyle (PVC), etc.
Pourquoi ingérez-vous du plastique?
Dans la chaîne alimentaire
Quelle quantité de plastique avalez-vous?
Quels sont les risques pour votre santé?
La toxicité des additifs et plastifiants
Depuis quelques années, des quatre coins de la planète proviennent des images de montagnes de détritus qui se sont accumulés ici sur une plage, là dans le lit d’une rivière, ici encore sur le bord d’une route, au sommet d’une montagne, au fond d’un océan. En à peine plus d’un demi-siècle, le plastique a envahi le quotidien des humains. Pire : la production de ce matériau pratique et résistant pourrait augmenter de 40 % d’ici 2030, estime le Fonds mondial pour la nature (WWF) dans son rapport No Plastic in Nature : Assessing Plastic Ingestion from Nature to People, paru en 2019.
Le problème, c’est qu’au moins 75 % du plastique produit est appelé à devenir… un déchet, affirme le WWF. Mais la pollution plastique, si elle saute aux yeux, n’est pas que visuelle. Sous l’effet de divers facteurs, le matériau se dégrade et, ce faisant, libère des microparticules (ayant jusqu’à 5 mm de diamètre) qui se répandent dans tous les écosystèmes.
Au point où l’Organisation mondiale de la santé (OMS) affirme que ces microplastiques sont aujourd’hui « présents partout, y compris dans l’eau que nous buvons ». Et pas seulement cela : ils peuvent aussi contaminer vos aliments si vous faites un mauvais usage d’objets en plastique dans votre quotidien, comme mettre au micro-ondes un contenant qui ne devrait pas y aller.
Selon l’étude du WWF mentionnée plus haut, et réalisée avec l’Université australienne de Newcastle, un être humain ingérerait en moyenne environ 5 g de plastique par semaine. L’équivalent d’une carte de crédit.
Jusqu’à présent, l’incidence des microplastiques sur la santé humaine a été peu étudiée. « On sait cependant que certains additifs et plastifiants, qui servent à rendre le plastique plus souple, présentent des risques connus pour la santé », explique Isabelle Plante, chercheuse en toxicologie environnementale à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).
Protégez-Vous fait le point sur l’état des connaissances et vous propose des solutions pour limiter votre exposition au plastique dans l'alimentation.
1. Pourquoi ingérez-vous du plastique ?
Parce que le plastique se dégrade et, de ce fait, il libère différentes molécules – micro- et nano-plastiques d’une part, additifs et agents plastifiants d’autre part. Voilà pour la réponse courte.
« Le plastique est un polymère. Ce polymère constitue la structure du matériau, auquel sont ajoutés des additifs et des agents plastifiants pour lui conférer diverses propriétés, comme la résistance aux chocs, la dureté, la souplesse, la transparence », détaille Stéphane Guilbert, physico-chimiste au laboratoire SupAgro de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), en France.
Résistant, le plastique peut prendre des dizaines d’années avant de se dégrader, mais certains facteurs viennent accélérer le processus. Par exemple, sous l’effet des UV solaires, de l’oxygène ou du ressac des vagues océaniques (ou des remous d’une rivière), le plastique perd ses propriétés originelles et libère des microparticules dans l’environnement, en particulier dans l’eau.
Dans la chaîne alimentaire
Or, dans l’eau, explique Stéphane Guilbert, ces particules de plastique se lient avec d’autres composés chimiques qui résultent des activités humaines (pesticides, insecticides, additifs chimiques utilisés dans nos habitats, etc.) et les dispersent ensuite partout sur la planète. « On a trouvé des polluants dans des lieux où il n’y a jamais eu de présence humaine, par exemple des îlots isolés du Pacifique, précise le chercheur. Comment sont-ils arrivés là ? Sur des sortes de microradeaux de plastique. »
Au final, lorsque les coraux, les planctons, la faune marine et, sur terre, les plantes et les animaux « confondent » ces microplastiques et leurs polluants avec des aliments, ces derniers intègrent la chaîne alimentaire et le cycle de l’eau avant de parvenir jusqu’à vous. Poissons, fruits de mer, animaux d’élevage, eau, miel, sucre, sel… les vecteurs de «transmission» de ces microparticules jusqu’à l’être humain sont de plus en plus nombreux.
Au quotidien, il existe également de nombreuses situations où le plastique et ses agents migrent dans notre alimentation. « C’est le cas lorsque le plastique n’est pas utilisé pour l’usage pour lequel il a été destiné », explique Chantal Plamondon, coauteure du livre « Vivre sans plastique » paru aux Éditions Écosociété en octobre 2019. Pensons par exemple à un pot de yogourt utilisé pour réchauffer des aliments au micro-ondes.
De nombreuses micromolécules sont également présentes dans les contenants servant à « protéger » les aliments : films plastiques, boîtes de conserve, sacs de congélation, sacs à fermeture à pression, bouteilles d’eau, etc.
L’eau en bouteille est d’ailleurs l’une des sources principales d’ingestion de plastique par l’être humain. Parue en 2018, une étude, réalisée par un laboratoire indépendant pour l’organisation internationale de journalisme Orb Media, révélait que 93 % des bouteilles d’eau testées étaient contaminées par des microbilles de plastique.
2. Quelle quantité de plastique avalez-vous ?
Dans une étude publiée en juin 2019 dans la revue Environmental Science & Technology, des chercheurs de l’Université de Victoria, en Colombie-Britannique, estiment qu’un Américain moyen pourrait « manger » jusqu’à 52 000 particules de microplastique par an. Sans s’en rendre compte.
Cette quantité atteindrait même 121 000 particules si l'on prend en considération dans l'équation les particules de plastique fines ou ultrafines qui sont inhalées (dans l’air, il s’agit le plus souvent de microfibres synthétiques qui proviennent de matériaux de construction, des pneus, des vêtements, etc.).
Ajoutez à cela les microplastiques contenus dans l’eau et ce sont, par an, près de 90 000 particules supplémentaires qui sont ingérées par une personne qui ne boit que de l’eau en bouteille, et 4 000 pour celles qui s’en tiennent à l’eau du robinet, indiquent les chercheurs de l’Université de Victoria.
Toutefois, la présence de microplastiques n’a pas été étudiée (ou l'a peu été) dans de nombreux aliments : le riz, le soja, les fruits et légumes, etc. Il est donc difficile d’établir avec précision la quantité de plastique que vous ingérez quotidiennement.
3. Quels sont les risques pour votre santé ?
« À l’heure actuelle, on ne sait rien des impacts des polymères de plastique sur la santé humaine », explique Bernard Robaire, expert en toxicité et en reproduction à l’Université McGill. Pour cette raison, l’OMS a appelé à renforcer la recherche internationale.
Dans un communiqué diffusé en août 2019, la directrice du Département de la santé publique, de l'environnement et des déterminants sociaux de la santé à l’OMS, la Dre Maria Neira, insiste sur « l’urgence d’évaluer plus exactement l’exposition aux microplastiques et leurs conséquences potentielles sur la santé humaine ».
L'OMS affirme que «les microplastiques [dans l'eau potable] ne semblent pas présenter de risques pour la santé, du moins aux niveaux actuels». Mais demain, quelle quantité ingérerez-vous? « On peut considérer que ce qu’on mesure aujourd’hui ne représentent qu’une infime partie des particules qui se répandront à l’avenir dans l’environnement, affirme Stéphane Guilbert. Et il est probable que l’ingestion de microplastiques nous expose davantage aux produits chimiques réputés nocifs. »
Il reste que la recherche ne permet pas, à l’heure actuelle, d’affirmer avec certitude que les microplastiques présentent un danger pour la santé. « Il faut donc appliquer le principe de précaution, estime Chantal Plamondon, et retirer le plus possible le plastique de notre quotidien. »
La toxicité des additifs et plastifiants
Si les effets des microplastiques sur la santé n’ont pas été étudiés, « nous commençons à bien connaître les impacts des plastifiants et additifs qui entrent dans la composition des plastiques et qui peuvent migrer dans nos aliments », explique Jay Sinha, coauteur avec Chantal Plamondon du livre « Vivre sans plastique ».
Le bisphénol A (BPA). Cette substance chimique de synthèse est utilisée dans la production d’un plastique dur et transparent appelé «polycarbonate» (PC). Le bisphénol A sert à fabriquer, par exemple, des articles de vaisselle jetables, des bouteilles d’eau ou des contenants utilisés pour conserver des aliments. Le BPA a également été employé pendant longtemps dans les biberons avant d’être interdit pour cet usage par les agences sanitaires.
Plusieurs études ont établi des liens entre l’exposition au bisphénol A et la réduction de la fertilité, chez les hommes notamment. « Ce produit a peut-être été retiré des biberons, mais l’usage du bisphénol A a en fait augmenté dans le temps », explique Bernard Robaire.
Par ailleurs, lorsque vous achetez un contenant qui porte la mention “sans bisphénol A”, cela ne signifie pas qu’il n’y a aucun bisphénol. Il a probablement été remplacé par le bisphénol S, F, AF, etc.» Les remplaçants sont-ils pires ou meilleurs que le produit remplacé? Il est très difficile de le savoir, précise le professeur, car il n’existe pas encore de données scientifiques probantes. Le doute persiste donc.
Les phtalates. Il s’agit de substances chimiques utilisées pour assouplir le plastique et augmenter sa flexibilité. Certains phtalates présentent des risques pour la santé humaine.
L’Association canadienne du droit de l’environnement (ACDE) rappelle sur son site que les données scientifiques démontrent que certains phtalates « peuvent perturber le système endocrinien », en particulier le système reproducteur mâle. Ces plastifiants sont également associés «au développement prématuré des seins chez les jeunes filles et à l’endométriose chez les femmes», indique aussi l’ACDE.
Le diéthylhexyle (DEHP). Chercheuse en toxicologie environnementale à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), Isabelle Plante étudie les effets du diéthylhexyle (DEHP), un plastifiant, sur le cancer du sein. Bien que les liens soient difficiles à établir, «l’addition des preuves épidémiologiques, des études en laboratoire et des études animales nous permet de renforcer jour après jour nos certitudes». Aux États-Unis, le National Toxicology Program considère le DEHP comme étant « vraisemblablement un agent carcinogène pour l’humain ».
Le polychlorure de vinyle (PVC). Les produits contenants du polychlorure de vinyle (PVC) sont également montrés du doigt. Peu utilisé dans le secteur agroalimentaire – à l’exception de certains films plastiques –, le PVC est une composante importante des jouets et articles destinés aux bébés et aux enfants, qui sont susceptibles de les porter à la bouche et donc d’en ingérer des particules.
Le polytétrafluoroéthylène (PTFE). Ce composé est plus connu sous le nom de « téflon ». Chantal Plamondon rappelle qu’une poêle antiadhésive ordinaire a de fortes chances d’être recouverte de ce polymère thermoplastique. Or, le PTFE suscite de graves inquiétudes quant à sa toxicité: il peut contenir des composés perfluorés (PFC) – comme l’acide perfuorooctanoïque (APFO) –, qui ont des effets sur la santé.
Des recherches ont établi des liens entre le PTFE et des risques accrus d’AVC, de crise cardiaque, de cancer, etc. Certains fabricants, dont DuPont (qui détient la marque Téflon), affirment ne plus utiliser l’APFO dans la fabrication de leurs poêles. «Mais on ne sait rien du substitut utilisé», déplore Chantal Plamondon.
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