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Bien-être | Détente

Les plantes adaptogènes sont-elles votre meilleure arme contre le stress ?

adaptogenes marilyn barbone, jiangdi, Indian Food Images, alexmak7, Gummy Bear/Shutterstock.com
Par Mathieu Ste-Marie

Ginseng indien, basilic sacré, maca, reishi, schizandra... Utilisées depuis des siècles dans les médecines traditionnelles, les plantes adaptogènes gagnent en popularité auprès des consommateurs en raison des bienfaits qu’on leur prête sur la santé. Fausses promesses ou véritables effets ?

L’an dernier, deux fabricants québécois de kombucha, Gutsy et Rise, ont lancé des boissons à base de plantes adaptogènes à seulement quelques mois d’intervalle. Ces racines, champignons et autres végétaux que l’on dit susceptibles d’aider l’organisme humain à s’adapter au stress et à maintenir son équilibre attirent de plus en plus l’attention des entreprises du secteur alimentaire, qui voient un intérêt commercial à les intégrer à leur offre.

Infusée de ginseng indien (ashwagandha), de basilic sacré et de maca, la boisson Adapt2 aiderait le consommateur à mieux combattre le stress, à maintenir son état d’éveil, à stimuler ses capacités intellectuelles et à tonifier son système immunitaire, selon le fabricant Gutsy.

Quant à la société Rise, elle prétend que ses quatre nouveaux produits, également à base de ginseng indien et de basilic sacré, mais aussi de sauge et de reishi (Focus, Boost, Relax et Renew), permettent de résister à la fatigue. « Plutôt que de s’écrouler sous le stress du moment, de la tâche ou de l’évènement, les adaptogènes nous aident à trouver la force de persévérer », indique l’entreprise québécoise sur son site Web.

Un héritage de la guerre froide

Le principe de la « plante adaptogène » est connu depuis des millénaires par les adeptes des médecines traditionnelles. Au Canada, les Premières Nations en ont toujours utilisé, par exemple la sauge pour les rituels de fumigation et le ginseng américain pour la préparation de remèdes traditionnels.

Mais c’est la Russie soviétique qui, la première, a financé les recherches en vue de trouver des toniques naturels pour ses soldats d’élite. En 1947, le toxicologue Nicolaï Lazarev a donc imaginé le concept d’« adaptogène » pour décrire les plantes et herbes pouvant améliorer la résistance au stress.

Il n’en fallait pas plus pour que l’armée rouge se mette à fournir à ses pilotes et sous-mariniers du schizandra, dont les vertus tonifiantes étaient déjà connues par les Nanaïs, un peuple de pêcheurs présent en Sibérie et en Chine.

Les plantes adaptogènes sont revenues en force au tournant du 21e siècle pour se voir commercialisées en gélules, en capsules et en poudre. En Asie, on les retrouve dans plusieurs suppléments alimentaires; en Europe, elles entrent dans la composition de crèmes et de lotions pour la peau.

La valeur estimée du marché mondial des produits à base de plantes adaptogènes est de 13,2 milliards de dollars canadiens, selon le cabinet américain Global Market Insights, et pourrait grimper à 25 milliards en 2032, notamment grâce à la fulgurante popularité du ginseng indien et du ginseng américain.

Pas un médicament

Il faut toutefois rester prudent. D’une part, les adaptogènes doivent d’abord leur popularité à un marketing efficace, fondé en grande partie sur le travail d’influenceurs en ligne.

D’autre part, ces plantes doivent demeurer des produits alimentaires ou de soins corporels, et ne pas être utilisées comme des médicaments, prévient Aurélie Rose de Rus Jacquet, chercheuse à l’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels (INAF) de l’Université Laval.

Il ne faut pas non plus les confondre avec les produits de santé naturels qui sont régis par Santé Canada et doivent détenir un numéro de produit naturel (NPN) pour être vendus au pays. Les plantes adaptogènes sont plutôt considérées comme des aliments fonctionnels. Les entreprises qui les commercialisent ne peuvent donc pas faire d’allégations santé.

« Si l’on ajoute des plantes adaptogènes dans des produits comme le kombucha, certaines personnes vont peut-être ressentir un effet bénéfique, explique-t-elle. Toutefois, il n’existe pas d’études qui démontrent que pour telle personne dans telles conditions, prendre cette boisson à telle concentration va avoir tel effet. De plus, je n’ai aucune idée de la quantité d’ashwagandha [employée dans la recette], de la nature du produit ou de sa composition. Nous sommes plus dans l’alimentation que dans le thérapeutique. »

Des recherches peu concluantes

Il importe de garder à l’esprit que les bienfaits de ces plantes restent à être démontrés par des études scientifiques d’envergure. En effet, les preuves de leur efficacité reposent généralement sur des tests menés sur les animaux, alors que ceux effectués sur l’homme ont porté sur des échantillons de petite taille.

« Les essais cliniques effectués sur des plantes adaptogènes, ce ne sont souvent pas des études multicentriques à triple aveugle menées sur des échantillons importants », concède le botaniste Alain Cuerrier, chercheur et professeur associé au Département de sciences biologiques de l’Université de Montréal. Le financement pour ce type d’études est faible, explique-t-il.

Néanmoins, sur le plan thérapeutique, ces plantes ne sont pas inintéressantes, estime Mme de Rus Jacquet. « Leur consommation réduit les effets du cortisol, une hormone qui est générée lorsque l’on est soumis à un stress. Une plante peut avoir un effet calmant sur le système nerveux, un effet protecteur sur le système cardiovasculaire ou aider contre l’hypertension. Les cibles thérapeutiques sont multiples. »

Si les preuves scientifiques appuyant les bienfaits présumés des adaptogènes demeurent peu nombreuses, une chose est certaine, selon Alain Cuerrier : ces plantes sont sur le marché pour de bon.

« Depuis le début des années 2000, de plus en plus de plantes et de suppléments sont vendus. C’est une industrie en croissance qui ne va pas mourir. Il serait justifié que les médecins s’ouvrent davantage à ces plantes et qu’ils sensibilisent la population à leur utilisation. »

Peu importe la croissance du marché, la sécurité des consommateurs est jeu. « Il y a encore des zones grises, confirme la nutritionniste indépendante Natasha Munroe. La posologie de ces plantes reste à déterminer, et leurs effets à long terme sont encore méconnus. »

Dans la même veine, Aurélie Rose de Rus Jacquet estime qu’il faudrait que davantage d’études soient effectuées avant que Santé Canada puisse recommander l’utilisation à grande échelle de ces végétaux. « Créer un médicament pour lequel nous connaissons la cible d’action peut prendre 10 années. Imaginez ce qu’il en est pour les plantes adaptogènes qui peuvent avoir plusieurs cibles d’action. »

Attention aux interactions !

Même si la promesse d’effets bénéfiques sur la santé peut sembler attirante pour le consommateur, il ne faut pas utiliser ces végétaux n’importe comment, avertit Aurélie Rose de Rus Jacquet.

« Les molécules dans ces plantes peuvent potentiellement être les mêmes que celles d’un médicament. Donc, si une personne prend un antidépresseur et une plante pour lutter contre un état dépressif, elle pourrait doubler sa dose. Il y a donc un risque d’interaction. »

Davantage d’études sont nécessaires pour mieux comprendre la façon dont les plantes et les médicaments interagissent. Pour le moment, si vous prenez un antidépresseur ou tout autre médicament, notamment pour traiter l’hypertension, le diabète ou l’insomnie, consultez d’abord votre médecin avant de consommer des produits à base de plantes adaptogènes.

Quatre adaptogènes populaires

Le ginseng américain

Cette plante redonnerait un certain tonus, de l’énergie et pourrait même réduire les effets secondaires de la chimiothérapie, soutient Alain Cuerrier, qui a effectué plusieurs recherches sur les plantes médicinales et a longtemps étudié les relations entre les hommes et les plantes. Le chercheur, qui cultive plusieurs adaptogènes chez lui, ajoute que ce végétal atténuerait les symptômes de diabète de type 2.

Une étude randomisée à double insu contrôlée par placébo réalisée en 2010 a démontré que le ginseng américain améliorait significativement la mémoire de travail. Toutefois, seulement 32 personnes, toutes de jeunes adultes en bonne santé, ont participé à cette étude.

Le ginseng indien (ashwagandha)

Cette plante, qui pousse en Inde, au Moyen-Orient et dans certaines régions d’Afrique, aurait démontré des effets anti-inflammatoires, antimicrobiens et antistress, affirme la nutritionniste du sport Natasha Munroe. « Il aurait aussi des effets sur la récupération musculaire et le sommeil, mais il faudra davantage d’études sur le sujet » pour étayer ces conclusions, affirme-t-elle.

Le schizandra

Riche en antioxydants, le schizandra pourrait améliorer la mémoire, avance Alain Cuerrier. « Si la personne veut rester éveillée pour terminer son travail de session ou son article scientifique à soumettre le lendemain matin, recourir à cette plante va lui permettre d’avoir une tête beaucoup plus claire que si elle buvait huit cafés, par exemple. » Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer le mécanisme d’action de ce végétal.

L’orpin rose (Rhodiola rosea)

Cette plante réduirait les symptômes de dépression légère à modérée, affirme M. Cuerrier. C’est son seul effet bénéfique démontré chez l’humain. Selon les résultats de tests menés sur les animaux, elle pourrait également réduire la fatigue et le stress, améliorer les fonctions cognitives et aider au traitement du diabète de type 2.

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