Faut-il avoir peur de la 5G?
Prochaine génération de réseaux mobiles, la 5G promet d’être révolutionnaire. Mais la multiplication des antennes et l'utilisation de nouvelles radiofréquences auront-elles des conséquences sur votre santé? Regard sur une technologie aussi prometteuse que redoutée.
La 5G, c’est quoi?
Levée de bouclier contre la 5G
L’état des connaissances sur les ondes électromagnétiques
D’autres effets possibles sur la santé?
Les particularités de la 5G
Inoffensif, le téléphone cellulaire?
La 5G, c’est quoi?
Huit ans après son avènement, la technologie 4G est sur le point d’être supplantée par la 5G. Et, à en croire l’industrie des télécommunications et les villes qui la déploieront, la prochaine génération de l’Internet mobile s’annonce révolutionnaire : vitesse de téléchargement jusqu’à 20 fois supérieure – ce qui veut dire, en théorie, que vous pourriez télécharger un film en une seconde –, délai de réaction (latence) 50 fois moindre et possibilité de connecter simultanément 500 fois plus d’appareils au kilomètre carré. De quoi envisager le développement des voitures connectées et des robots qui effectuent des chirurgies ou éteignent des feux à distance, soutient le Conseil 5G Canada, un regroupement d’entreprises du secteur sans-fil au pays.
Levée de bouclier contre la 5G
Mais la méfiance règne aussi autour du déploiement de cette technologie, tant sur les réseaux sociaux que chez une frange de la communauté scientifique.
Pétitions en ligne, appels au moratoire, formations de groupes citoyens… Les détracteurs plaident que la 5G aura pour effet d’augmenter notre exposition aux ondes électromagnétiques radiofréquences. Ondes qui, selon eux, comportent des risques avérés pour la santé.
Car les inquiétudes liées aux radiations des champs électromagnétiques ne datent pas d’hier. Tour à tour, pylônes électriques, antennes cellulaires, Wi-Fi et compteurs intelligents ont été farouchement critiqués par des citoyens et une poignée de chercheurs. Les radiations de ces appareils sont cancérogènes et affectent notamment les systèmes reproducteur, cardiovasculaire, nerveux et hormonal, affirment-ils.
Une position que ne partagent pas des experts que nous avons consultés et les agences sanitaires internationales, dont l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Santé Canada et l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) de France.
Ces derniers sont unanimes : bien qu’ils reconnaissent que les recherches doivent se poursuivre, ils statuent que les données actuelles ne permettent pas de conclure que les radiofréquences sont dangereuses pour la santé des individus.
Peu d’études ont été menées sur la 5G spécifiquement, puisque cette technologie en est à ses balbutiements. Et, alors qu’elle a fait son entrée dans plusieurs pays (Corée du Sud, Suisse, certaines villes américaines, etc.), il pourrait s'écouler encore quelques années avant qu'elle soit étendue au Canada. Mais d’ici là, devrions-nous nous alarmer de ses conséquences sur notre santé?
L’état des connaissances sur les ondes électromagnétiques
D’abord, il faut savoir qu’il existe plusieurs catégories d’ondes électromagnétiques, tels les ondes cellulaires, la lumière visible et les rayons X, comme le montre cette illustration. Ce qui les différencie : leur fréquence.
Plus la fréquence d’une onde électromagnétique est élevée, plus l’énergie transportée par cette onde est grande, explique Thomas Gervais, professeur en génie physique et biomédical à Polytechnique Montréal.
Ainsi, les rayonnements dont la fréquence est plus élevée que celle de la lumière visible (les rayons gamma, X et certains UV, selon la définition généralement retenue) sont dits ionisants. «Ils possèdent assez d’énergie pour briser des molécules, modifier l’ADN et causer des maladies, dont des cancers», indique Thomas Gervais, qui est aussi chercheur à l’Institut du cancer de Montréal.
Cependant, l’utilisation judicieuse des rayonnements ionisants a mené à plusieurs applications intéressantes, notamment en médecine, où on utilise par exemple des rayons X pour faire des radiographies.
À l’inverse, poursuit Thomas Gervais, les rayonnements de plus basse fréquence, dont ceux des ondes radiofréquences, sont dits non ionisants. C'est ce type de rayonnements que produisent les appareils sans fil et les tours cellulaires. «Ils ne possèdent pas l’énergie suffisante pour s’attaquer à nos cellules et à notre ADN.
Le seul effet de ces ondes est l’échauffement [des zones du corps exposées]», ajoute l’expert, précisant que des normes gouvernementales protègent la population de cet effet-là.
D’autres effets possibles sur la santé?
Certains chercheurs pensent que d’autres effets découlent de l’interaction entre les ondes radiofréquences et les êtres vivants. C’est le cas de Paul Héroux, directeur du programme de santé au travail du Département d’épidémiologie, de la biostatistique et de la santé au travail à l’Université McGill : «Il existe une grosse littérature scientifique qui conclut que l’exposition aux ondes électromagnétiques augmente les radicaux libres. [Ces derniers] détruisent vos structures biologiques, et jouent un rôle dans un grand nombre de maladies, comme le diabète, la maladie d'Alzheimer et la maladie de Parkinson.»
Paul Héroux affirme que les preuves sont aussi suffisantes pour associer les ondes radiofréquences au cancer, à la réduction de la fertilité humaine ainsi qu’à des perturbations cardiaques et génétiques. Le professeur s'appuie sur différentes études, dont un récent rapport du National Toxicology Program américain.
Il cite également le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’OMS, qui classe, depuis 2011, ces ondes comme «peut-être cancérogènes pour l’homme» (groupe 2B). Le CIRC précise que cette classification repose sur des preuves limitées de gliome chez l’animal, mais que les données qui concernent les autres cancers et les ondes radiofréquences sont insuffisantes pour conclure à un lien.
Pour Mathieu Gauthier, conseiller scientifique à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), il importe de regarder la littérature dans son ensemble. Les organismes de santé internationaux, dont l’Anses, Santé Canada et l’OMS, évaluent régulièrement les études portant sur ces effets potentiels, rappelle-t-il.
«Aucun d’eux n’a trouvé de preuves convaincantes concernant la présence d’effets néfastes pour la santé. On est dans un consensus scientifique similaire à celui sur les changements climatiques», indique l’expert qui pondait, en 2016, un rapport de 77 pages sur les effets des radiofréquences sur la santé.
Par ailleurs, l’exposition des populations aux ondes radiofréquences dans l’environnement (antennes, Wi-Fi, compteurs intelligents, etc.) est très inférieure aux normes fixées, poursuit Thomas Gervais. Cela dit, le professeur à Polytechnique Montréal estime que les recherches doivent se poursuivre au sujet du téléphone cellulaire, car il est la «source d’exposition numéro 1 dans nos vies».
Les particularités de la 5G
Puisque la 5G repose sur des signaux transportés par des ondes radiofréquences, tout comme la télédiffusion, la radiodiffusion et la téléphonie mobile, rien ne laisse croire que nous devrions craindre ce réseau, assurent Thomas Gervais et Mathieu Gauthier.
Cette cinquième génération se distingue néanmoins des précédentes, car elle doit ultimement fonctionner avec des fréquences radio plus élevées, soit entre 20 et 100 GHz, contre des fréquences entre 0,7 et 2,6 GHz actuellement.
Les ondes millimétriques utilisées par ces nouvelles fréquences permettent des vitesses de transfert beaucoup plus rapides. Mais elles ont aussi le défaut de ne pas voyager très loin. «Elles sont beaucoup moins pénétrantes, ce qui fait qu’elles n’entrent pas très bien à l’intérieur des bâtiments», explique Mathieu Gauthier. Ces ondes traversent aussi difficilement l’être humain ; elles pénètrent à peine la peau.
Résultat : pour couvrir un même territoire, il est à prévoir que de petites tours cellulaires de plus courte portée poussent comme des champignons dans les villes, érigées sur des poteaux électriques ou des lampadaires. La Ville de Montréal estime qu’il faudra déployer entre 40 000 et 60 000 antennes dans la métropole, soit au moins huit fois plus que pour le réseau 4G.
Faut-il craindre cette multiplication des antennes et des objets connectés? À l’heure actuelle, les scientifiques en savent très peu sur les effets à long terme de l’exposition aux ondes millimétriques, et un nombre grandissant d’entre eux, dont Paul Héroux, appellent à la prudence quant au déploiement effréné de cette modernisation. L’Anses, en France, s’apprête d’ailleurs à lancer une expertise sur les effets sanitaires potentiels associés aux communications 5G.
Les experts interrogés se font toutefois rassurants: notre exposition aux radiofréquences n’est, selon eux, pas appelée à exploser. D’une part, l’ajout de petites antennes permet d’augmenter les débits de transfert de données. «Et si le débit est meilleur, la durée d’exposition en provenance de l’antenne et du téléphone cellulaire est réduite», indique Mathieu Gauthier.
En France, l’Agence nationale des fréquences (ANFR), qui a mené des tests en 2017 et 2018 dans trois villes françaises, a même remarqué une baisse de l’exposition aux ondes lorsque de petites antennes sont ajoutées au mobilier urbain.
D’autre part, note Thomas Gervais, malgré leur plus grand nombre, les antennes cellulaires continueront d’exposer le public à de très faibles doses de rayonnement. «Des centaines de fois sous les normes», indique-t-il.
Inoffensif, le téléphone cellulaire?
Dans l’état actuel des connaissances, aucun mécanisme ne peut expliquer que le téléphone cellulaire donne le cancer – la plus grande crainte liée à cet appareil –, dit Mathieu Gauthier, conseiller scientifique à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).
Mais puisque l’usage du sans-fil a explosé dans les dernières années, et qu’il représente notre plus grande exposition aux ondes électromagnétiques, les chercheurs s’intéressent particulièrement à ses effets potentiels à long terme sur la santé.
Contrairement aux autres sources, comme les antennes, «on le colle sur notre oreille, et il émet des ondes se rapprochant des limites d’exposition autorisées au Canada, surtout lorsque la connexion est mauvaise», indique Thomas Gervais, professeur en génie physique et biomédical à Polytechnique Montréal.
Une enquête menée par le Chicago Tribune révélait d’ailleurs, en août 2019, que les radiations détectées sur le iPhone 7 dépassaient la limite permise aux États-Unis.
Cela dit, dans les dernières années, la recherche sur les effets des radiations émises par les téléphones portables sur la santé n’a pas convaincu la communauté scientifique. La vaste étude Interphone, menée sur 10 ans dans 30 pays, devait trancher sur le risque de cancer du cerveau lié à leur utilisation.
Or, elle concluait, en 2010, que l’usage de ces téléphones n’augmente pas le risque de développer une tumeur. Une tendance a certes été constatée concernant un risque légèrement plus élevé de gliome chez 10% des plus gros utilisateurs (un usage à l’oreille d’au moins 30 minutes par jour pendant 10 ans), mais les auteurs précisent que certaines faiblesses de l’étude ne permettent pas de conclure à un lien de cause à effet.
D’autres études menées sur des rongeurs ont récemment soulevé des questions. Par exemple, le rapport du National Toxicology Program (NTP) américain, publié en 2018, a démontré que des rats mâles exposés à des ondes radiofréquences développent des tumeurs cancéreuses au cœur. Un lien que les chercheurs n’ont toutefois pu établir chez les rats femelles ni chez les souris soumis au même traitement.
John Bucher, chercheur senior au NTP, relativise d’ailleurs les résultats: «Les expositions employées dans nos études ne peuvent être comparées à l’exposition des humains qui utilisent un téléphone cellulaire», note-t-il. D’une part, les rats et les souris de leur expérimentation ont reçu des radiations radiofréquences dans tout leur corps, alors que les usagers de téléphone ne s’exposent qu’à un endroit localisé ; le plus souvent leurs mains ou leur oreille. D’autre part, la force des radiations et leur durée étaient supérieures à l’exposition normale d’un individu.
COSMOS pourrait un jour fournir plus de réponses sur l’usage à long terme du téléphone cellulaire et des autres technologies sans fil, dit Thomas Gervais, aussi chercheur à l’Institut du cancer de Montréal. Cette étude de cohortes dans cinq pays européens suit, pendant des années, la santé et l’utilisation réelle que font du téléphone mobile plusieurs centaines de milliers de personnes.
D’ici la parution des résultats, vous n’êtes pas rassuré, et vous souhaitez limiter votre exposition aux ondes radiofréquences? Étant donné que le téléphone mobile est la plus grande source d’exposition, les experts consultés suggèrent d’utiliser le mode mains libres lorsque vous faites un appel avec votre appareil.
>> À lire aussi: notre enquête sur le terrain des ondes électromagnétiques (article publié en 2012)
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