Pour un plancher pelvien en forme
Si vous venez d’accoucher, que vous avez subi une chirurgie ou que vous souffrez d’incontinence ou de douleurs pelviennes, vous avez avantage à augmenter la force et la souplesse de vos muscles pelviens. Pour vous aider à y arriver, une panoplie de moyens s’offrent à vous, notamment des séances de rééducation périnéale et pelvienne avec un professionnel, et des accessoires vendus en pharmacie. Nous avons fait le tour de la question avec des spécialistes afin de vous guider à travers les services et produits offerts.
Aussi bien les hommes que les femmes
Qu’est-ce que la rééducation périnéale et pelvienne ?
Contrer l’incontinence
La rééducation en oncologie
Les limites du renforcement pelvien
Un accès restreint au traitement
Apprendre sur le Web
Des accessoires pas toujours utiles
Où se situe le plancher pelvien au juste?
Des exercices à vie?
Aussi bien les hommes que les femmes
Depuis plusieurs mois, Julie constate avec embarras que lorsqu’elle tousse, qu’elle rit aux éclats ou qu’elle soulève de lourdes charges, elle mouille sa culotte. Après quelques incidents de ce genre, la mère de trois enfants a cherché sur le Web un programme d’exercices pour renforcer les muscles de son plancher pelvien.
Ces muscles – situés à la base du bassin, entre l’os pubien et le coccyx – soutiennent les organes pelviens (vessie, utérus et rectum). Ils permettent de refermer les orifices tels l’urètre et l’anus afin de retenir l’urine, les selles et les gaz. Les renforcer diminue donc les risques d’incontinence. Le plancher pelvien sert également à stabiliser le bassin, auquel est rattachée la colonne vertébrale, vous assurant une bonne posture.
Ces muscles peuvent cependant s’affaiblir après un accouchement, une fracture du bassin ou une chirurgie, en raison d’une maladie neurologique, de la ménopause ou de changements liés à l’âge (comme une baisse du taux d’œstrogènes). Cela peut aussi être causé par des activités physiques intenses, l’obésité, le tabagisme ou des effets secondaires des traitements contre le cancer.
Comme les autres muscles du corps, ceux du plancher pelvien peuvent être affectés par des tensions ou manquer de coordination, ce qui provoque des douleurs. Lorsqu’ils deviennent hypoactifs (trop relâchés) ou hyperactifs (trop contractés), il arrive qu’ils causent des rapports sexuels difficiles, de l’incontinence urinaire ou fécale ou encore un prolapsus, c’est-à-dire une « descente » des organes pelviens du bassin vers l’entrée vaginale, comme l’explique Marie-Christine Trahan, une physiothérapeute en rééducation périnéale et pelvienne.
Il est donc important que ces muscles soient forts et souples. Plusieurs recherches ont montré que la rééducation périnéale et pelvienne permet de traiter l’incontinence urinaire et fécale, la descente d’organes, certains troubles de la sexualité ou encore les douleurs pelviennes, rectales et de la ceinture lombo-pelvienne, soit les os qui relient les membres inférieurs à la colonne vertébrale. Et contrairement à une croyance largement répandue, elle s’adresse autant aux femmes qu’aux hommes.
Toutefois, avant d’entreprendre des exercices de renforcement, il faut vous assurer d’avoir un programme adéquat et de contracter les bons muscles… comme lorsque vous entreprenez de muscler vos biceps !
Qu’est-ce que la rééducation périnéale et pelvienne ?
La rééducation périnéale et pelvienne est basée sur le renforcement des muscles du plancher pelvien, des hanches et des stabilisateurs lombaires. Elle consiste en une série d’exercices qui visent à contracter et à détendre volontairement les muscles de la région pelvienne pour en augmenter la force, le tonus, l’endurance et l’élasticité. S’ajoute à cela une rééducation de la posture, de la respiration et des habitudes de vie.
« On va chercher à établir un programme qui combine des exercices de force et d’étirement pour équilibrer le plancher pelvien, puis enseigner quand contracter les muscles et quand les relâcher pour coordonner leur action à l’effort. On apprendra aussi au patient à respirer pour diminuer la pression sur le plancher pelvien et les symptômes d’incontinence », explique Marie-Christine Trahan.
L’approche s’appuie notamment sur les exercices de Kegel, lesquels consistent à faire remonter les muscles qui entourent l’anus, le vagin ou le pénis et l’urètre, sans serrer les fesses ou les cuisses ni rentrer le ventre. Les contractions seront plus ou moins fortes, courtes et rapides, ou douces et longues de dizaines de secondes, selon l’objectif visé.
Contrer l’incontinence
La rééducation périnéale et pelvienne est souvent associée au traitement de l’incontinence urinaire, une affection qui touche environ 10 % de la population canadienne. Un homme sur 10 et 1 femme sur 3 en souffriront au cours de leur vie, selon la Fondation d’aide aux personnes incontinentes du Canada. Dans la moitié des cas, il s’agit d’une incontinence d’effort, c’est-à-dire qui se produit au cours d’un exercice physique ou d’incidents augmentant la pression abdominale, comme la toux, le rire ou l’éternuement.
Une étude menée par la Dre Chantal Dumoulin, du Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal, montre que les fuites urinaires ont chuté de 40 % chez les femmes de 60 ans et plus un an après qu’elles eurent participé à un programme d’exercices du plancher pelvien de 12 semaines, en séances individuelles ou de groupe (huit personnes).
« Il est important de dire que lorsqu’on parle de bénéfices, on ne parle pas toujours de “cure”, mais de réduction significative des symptômes », prévient cependant Stéphanie Bernard, physiothérapeute en rééducation périnéale et auxiliaire d’enseignement à l’Université Laval.
Les exercices du plancher pelvien sont aussi recommandés après la ménopause, l’accouchement ou un prolapsus. En effet, de 30 à 35 % des femmes souffrent d’incontinence urinaire durant les trois premiers mois suivant l’accouchement, et 10 % continuent d’en souffrir ultérieurement si aucune mesure n’est prise.
Si vous êtes enceinte ou que vous souhaitez le devenir prochainement, vous avez aussi avantage à maintenir votre plancher pelvien en forme. Des études ont montré que commencer les exercices de Kegel à la vingtième semaine de grossesse permet de diminuer l’incontinence de 56 % durant la grossesse; de 50 % du premier au troisième mois suivant l’accouchement; et de 30 % du troisième au sixième mois suivant l’accouchement; en plus de prévenir l’incontinence urinaire jusqu'à six mois après l'accouchement. Et les bienfaits de la physiothérapie se maintiennent sept ans plus tard, selon une autre étude menée par la Dre Dumoulin.
Marie-Christine Trahan remarque que de plus en plus de femmes consultent un physiothérapeute avant même de tomber enceintes. « Avant, elles traitaient leur problème d’incontinence à la suite de leur accouchement, parfois des années plus tard. Maintenant, elles sont conscientes qu’elles peuvent prévenir le problème », dit-elle.
La rééducation en oncologie
Les exercices du plancher pelvien ont aussi leur place en oncologie pour les patients qui ont reçu des traitements chirurgicaux ou de radiothérapie dans la région pelvienne. Ces traitements peuvent respectivement abîmer les muscles et les nerfs de la vessie et réduire la force des muscles pelviens, provoquant de l’incontinence ou des fuites urinaires, comme l’explique Véronique Savard, infirmière en pratique avancée en oncologie à l’Hôtel-Dieu de Québec. Le renforcement du plancher pelvien est également recommandé aux patients qui ont eu un cancer de la prostate, colorectal, de la vessie, de l’urètre, du col de l’utérus ou de l’utérus.
Environ 80 % des hommes qui se font retirer la prostate – ce qu’on appelle la prostatectomie radicale – souffrent d’incontinence pendant une période qui varie de quelques semaines à deux ans, avec une moyenne de trois à six mois. Or la rééducation peut diminuer ces délais. Une étude publiée en 2019 démontre que la pratique d’exercices périnéaux avant et après la chirurgie réduit de plusieurs mois la durée de la convalescence et améliore la qualité de vie.
Les femmes qui ont suivi un programme de kinésithérapie périnéale avant et après une vaginoplastie – laquelle consiste en un resserrement des muscles du périnée ainsi qu’un rétrécissement de l’entrée du vagin – ont diminué par trois leur risque de souffrir d’un dysfonctionnement.
Les limites du renforcement pelvien
La rééducation périnéale et pelvienne ne bénéficie cependant pas à tous. Marie-Christine Trahan indique qu’elle pourrait même aggraver les symptômes chez certaines personnes, notamment celles dont l’incontinence urinaire est due à une trop grande contracture des muscles plutôt qu’à un relâchement. « Il n’y a pas de dangers graves à faire des exercices, mais une personne souffrant de douleurs chroniques qui renforce son plancher pelvien peut empirer sa douleur. Il faut connaître ses besoins », ajoute Stéphanie Bernard.
Dans ses lignes directrices publiées en février 2018, la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada recommande d’ailleurs que les femmes qui recourent à la rééducation périnéale pour une incontinence à l’effort soient suivies, puisque « les taux de guérison sont faibles et que d’autres traitements peuvent s’avérer indiqués ».
Pour ces raisons, les expertes interrogées hésitent à recommander la rééducation périnéale en prévention. « On commence ces exercices quand on a des problèmes, sauf peut-être pour les femmes enceintes qui gagnent à commencer pendant leur grossesse. De façon préventive, on peut agir sur ses habitudes de vie : perdre du poids, rester actif et prévenir la constipation », conseille la physiothérapeute en rééducation périnéale Nathalie Rodrigue.
Un accès restreint au traitement
Les physiothérapeutes qui ont reçu une formation supérieure pour offrir la rééducation périnéale sont peu nombreux dans les établissements publics.
Si vous êtes en attente d’une chirurgie pour un cancer ou un traumatisme lié au plancher pelvien, votre médecin ou votre infirmière pourrait vous proposer une rencontre préopératoire ainsi que quelques séances de physiothérapie afin de prévenir tout affaiblissement musculaire.
Des femmes qui ont eu un accouchement difficile se font aussi suggérer de suivre un programme d’exercices. Néanmoins, les ressources manquent; ainsi, vous devrez souvent vous tourner vers les cliniques privées et payer pour les séances, à moins que vos assurances privées couvrent une partie des frais.
Apprendre sur le Web
Plusieurs établissements de santé et cliniques de physiothérapie publient des conseils en ligne pour que vous puissiez exécuter les exercices de Kegel à la maison, de même que des suggestions de « programmes d’entraînement ». Après avoir visité plusieurs sites web, Protégez-Vous a constaté que la fréquence des répétitions pour chaque exercice, la durée des séances quotidiennes et le nombre de jours d’entraînement par semaine varient d’un site à l’autre.
« Les exercices sont généralement bien expliqués et il n’y a pas de grands dangers à les essayer, mais les études montrent qu’ils sont plus efficaces lorsqu’ils sont adaptés à votre état et que vous les faites avec un physiothérapeute plutôt que seul avec une feuille explicative », souligne Nathalie Rodrigue.
Selon des études, de 30 à 40 % des personnes qui s’adonnent à des exercices du plancher pelvien en se basant sur une information verbale ou écrite ne le font pas de la bonne façon. Elles vont serrer les cuisses, les fesses et les abdominaux pour compenser la mauvaise contraction des muscles pelviens. Voilà pourquoi il est important de les exécuter sous la supervision d’un physiothérapeute, qui pourra vous corriger au besoin et vous préparer un programme d’exercices personnalisé, selon les expertes consultées.
Des accessoires pas toujours utiles
Les accessoires contre l’incontinence occupent de plus en plus de place sur les rayons des pharmacies et dans Internet. Aperçu.
Les tampons sanitaires peuvent offrir un soutien au niveau des muscles vaginaux, un peu comme le fait un pessaire. Des études montrent qu’ils peuvent aider à diminuer l’incontinence urinaire d’effort et limiter la descente d’organes.
L’Ordre professionnel de la physiothérapie du Québec recommande cependant de consulter un médecin ou un physiothérapeute avant de les utiliser, afin de vous assurer que ce produit correspond à vos besoins et que vous l’utilisez de la bonne façon (installation, fréquence d’utilisation, hygiène, taille, etc.). Les tampons peuvent se révéler inefficaces selon l’état de vos muscles et irriter les parois vaginales s’ils sont portés trop souvent.
Les cônes vaginaux, aussi appelés « poids », présentent peu de bénéfices par rapport à des exercices bien exécutés sans poids, selon Marie-Christine Trahan. D’un diamètre de 2 à 4 cm et pesant de 20 à 100 g, ces cônes coûtent cher – de 30 à 60 $, voire plus encore – et ne sont pas adaptés à toutes les femmes.
Les dilatateurs donnent de bons résultats en oncologie pour étirer les muscles et empêcher que les parois vaginales se collent après des traitements de radiothérapie. Ils sont aussi utilisés par les personnes transgenres pour éviter que le vagin et l’utérus se referment, comme le souligne Véronique Savard, infirmière à l’Hôtel-Dieu de Québec. Offerts en vente libre, ils sont généralement recommandés par un médecin. Les pharmacies n’en gardent pas toujours en stock et les commandent sur demande.
Les pessaires sont habituellement utilisés en cas d’incontinence à l’effort, quand la rééducation périnéale du muscle n’a pas fonctionné. Faits de silicone ou de caoutchouc, ils se placent dans le vagin pour soutenir les organes. Certains modèles doivent être retirés après 24 heures, tandis que d’autres peuvent rester en place plusieurs semaines. Ils sont offerts en plusieurs formes (cube, anneau, beigne, etc.) pour mieux s’adapter à votre anatomie, et la première installation doit être effectuée par un médecin. Les pessaires sont offerts en vente libre, mais les pharmacies en ont rarement en stock et les commandent sur demande.
Les pinces péniennes, également appelées « dispositifs de compression externes », peuvent aider certains hommes à lutter contre les fuites urinaires. En exerçant une petite pression sur le pénis, elles ferment temporairement l’urètre. Toutefois, le dispositif ne convient pas à tous, et son utilisation régulière pourrait causer des problèmes de circulation ainsi que des irritations cutanées; il ne faut l’utiliser que quelques heures à la fois et sous la supervision de votre médecin. Vous devez demander à votre pharmacien de les commander pour vous.
Où se situe le plancher pelvien au juste?
Si vous souhaitez entreprendre des exercices, assurez-vous de contracter les bons muscles.
• Si vous êtes une femme, glissez un doigt dans votre vagin et contractez vos muscles. Vous devez sentir une pression sur votre doigt, comme s’il était aspiré vers l’intérieur. Si vous avez l’impression qu’il est poussé vers l’extérieur, c’est que vous forcez comme pour évacuer une selle. Une telle poussée vers l’extérieur pourrait affaiblir encore plus votre plancher pelvien.
• Si vous êtes un homme, posez vos doigts sur votre périnée (entre l’anus et les testicules), puis contractez vos muscles. Votre périnée devrait se soulever et vous devriez sentir la contraction à la base de votre pénis.
• Tentez d’arrêter le jet d’urine lorsque vous êtes à la toilette. Il s’agit toutefois d’un test à ne pas répéter quotidiennement. « Quand les muscles se contractent, cela empêche la vessie de se vider correctement, ce qui favorise la prolifération de bactéries et les infections urinaires », explique Nathalie Rodrigue.
• Lors de votre prochaine visite chez votre médecin, demandez-lui de vérifier si vos muscles sont correctement contractés.
Des exercices à vie?
Les exercices recommandés aux patients diffèrent selon qu’ils visent à contrer l’incontinence, à diminuer la douleur lors de relations sexuelles, à empêcher la descente d’organes ou à étirer des muscles abîmés lors d’une chirurgie. Néanmoins, dans tous les cas, il faut attendre de quatre à six semaines avant de voir une différence appréciable.
Une rééducation commence généralement par une période intensive de quatre à six mois avec des séances d’exercices à domicile cinq jours par semaine et une rencontre mensuelle avec le physiothérapeute. Un traitement de base en physiothérapie comporte environ quatre séances.
Suit une période de maintien où les séances tombent à trois par semaine. La durée idéale de cette phase varie selon les expertes à qui nous avons parlé. Il est cependant clair que si vous abandonnez les exercices, vos muscles s’affaibliront, comme lorsque vous laissez tomber votre entraînement au gymnase. Le truc : les intégrer à votre quotidien. Par exemple, vous contractez vos muscles pelviens pendant que vous attendez dans une file à l’épicerie, ou encore chaque fois que vous passez une porte.
Photos : Shutterstock.com (tampons), Lady System (cônes vaginaux), Wikipédia (dilatateurs), Dufort et Lavigne (pessaires et pinces péniennes)
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