Survivre à la canicule
Déshydratation, coup de chaleur, problèmes cardiovasculaires et respiratoires… En été, la chaleur extrême a des conséquences directes sur la santé des Québécois, sans oublier celle de la planète. Vous n’avez pas de climatiseur? Voici des outils pour abaisser la température de votre maison et vous rafraîchir en période de canicule.
L’été dernier, le climatiseur de Denis Boyer a rendu l’âme. Pas de chance pour cet ingénieur montréalais : la saison estivale 2018 a été l’une des plus accablantes des dernières décennies, avec un mois de juillet marqué par des records de chaleur ici et ailleurs dans le monde. « C’était tough. On a atteint les 32 ºC à l’intérieur. Et c’était impossible d’avoir un réparateur avant septembre », soupire le père de deux fillettes âgées de trois et six ans.
Coordonnateur en efficacité énergétique à Écohabitation, Denis Boyer a multiplié les tactiques – comme installer une toile à l’extérieur, devant sa baie vitrée – pour faire baisser les degrés sur son thermostat. « Ç’a marché au début, mais la grosse chaleur a fini par s’installer à l’intérieur », admet-il.
Chaud devant
La famille Boyer n’est pas la seule à avoir sué à grosses gouttes. Au cours des dernières années, 40 % des Québécois disent avoir été affectés physiquement par la chaleur extrême, et 12 % sont allés jusqu’à consulter une infirmière ou un médecin, selon l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).
Le meilleur indicateur pour mesurer l’ampleur d’une canicule demeure néanmoins le nombre de décès. À ce chapitre, l’été 2018 restera dans les annales : la chaleur de juillet a fait environ 90 victimes, soit le pire bilan depuis 2010 au Québec.
« Les périodes de canicule devraient tripler d’ici 2050, et c’est le scénario optimiste », prévient Pierre Gosselin, médecin-conseil à l’INSPQ et responsable du programme Santé pour le consortium Ouranos, un organisme sans but lucratif qui étudie l’adaptation aux changements climatiques. Et comme si ce n’était pas assez, un rapport d’Environnement Canada révélait en avril 2019 que le pays se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète.
Plusieurs professionnels de la santé ignorent les conséquences d’un tel réchauffement sur la population. Selon un sondage réalisé en 2015 par l’INSPQ et l’Université Laval, 65 % des omnipraticiens affirmaient que leur formation ne les avait pas préparés aux changements climatiques. Raison de plus pour mettre toutes les chances de votre côté en sachant comment « négocier » les périodes de canicule! C’est ce que nous vous proposons.
Morts de chaleur
Si, pour plusieurs, temps chaud est synonyme de douches froides répétées et de nuits écourtées, pour d’autres, il trace le chemin vers l’hôpital, voire la morgue. Les aînés risquent davantage de succomber à la chaleur, car ils sont nombreux à souffrir de maladies chroniques, comme de diabète ou d’hypertension, en plus de prendre des médicaments. « La chaleur agit sur les vaisseaux sanguins et change la réaction de certains médicaments qui peuvent alors contribuer à la déshydratation ou à d’autres déséquilibres physiologiques », explique Pierre Gosselin.
Outre les gens âgés, ceux qui travaillent à l’extérieur, les sportifs, les personnes à faible revenu ou à mobilité réduite, les jeunes enfants et les femmes enceintes figurent aussi parmi les plus vulnérables. Cette population s’expose notamment au fameux coup de chaleur, un grave malaise qui peut être fatal s’il n’est pas traité. L’affection se caractérise par une température corporelle élevée (39,5 ºC et plus), une peau sèche, rouge et chaude ou pâle et froide, des étourdissements, un comportement agressif ou bizarre ainsi qu’un malaise généralisé.
Les hospitalisations et les décès sont surtout engendrés par des problèmes cardiovasculaires. « La chaleur cause un stress pour le cœur. Une des réponses du corps pour perdre de la chaleur est d’envoyer plus de sang au niveau de la peau, ce qui fait augmenter la fréquence cardiaque. Cela, combiné avec de la déshydratation et une canicule qui s’étire, peut donner un cocktail mortel », explique Daniel Gagnon, chercheur au Centre ÉPIC de l’Institut de Cardiologie de Montréal et professeur au Département de pharmacologie et physiologie à l’Université de Montréal.
Des citadins menacés
Vivre en ville aussi est plus dangereux que d’habiter loin des gratte-ciel. En cause : les îlots de chaleur, où la température peut être supérieure de 10 ºC à celle d’un milieu naturel voisin. Ces enclaves sont aussi pauvres en parcs et riches en surfaces minéralisées (asphalte, béton, toits de bitume). « À Montréal, en période de canicule, ces îlots augmentent de 20 % les risques de mourir », indique Pierre Gosselin, de l’INSPQ.
Même les banlieues n’y échappent pas, constate Christian Savard, directeur général de l’organisme Vivre en Ville. « Elles comportent de plus en plus de multiplex. Et dans les quartiers récents, les arbres ne sont pas encore déployés. Or, ce sont les meilleurs alliés pour combattre les îlots de chaleur. »
Climatisation : solution no 1
La climatisation est ce qu’il y a de plus efficace pour se rafraîchir. Elle est même incontournable pour les personnes les plus fragiles, estime le Dr Pierre Gosselin de l’INSPQ. Vous n’avez pas la climatisation chez vous? Essayez de passer au moins deux heures par jour dans un endroit climatisé comme un centre commercial ou une bibliothèque.
Le climatiseur limite aussi l’entrée de polluants à l’intérieur. Car le smog, qui se forme plus rapidement en période caniculaire, peut mener à des complications, notamment pour les personnes souffrant de problèmes respiratoires comme l’asthme. Pour savoir comment le choisir, consultez notre comparatif de climatiseurs de fenêtre et portatifs. À lire aussi: nos conseils pour choisir un climatiseur mural ou une thermopompe murale.
Toutefois, « à long terme, la climatisation n’est pas des plus soutenables », nuance Daniel Gagnon, chercheur au Centre ÉPIC de l’Institut de Cardiologie de Montréal et professeur au Département de pharmacologie et physiologie à l’Université de Montréal. Elle augmente la température extérieure, contribue à la formation d’îlots de chaleur et au réchauffement climatique. À cet égard, voyez la vidéo de Protégez-Vous sur le cercle vicieux de la climatisation.
Ventilateur : oui et non
« Le ventilateur a un effet net et bénéfique, du moins chez les jeunes », tranche Daniel Gagnon. Pour arriver à ce constat, le chercheur à l’Institut de Cardiologie de Montréal a comparé l’efficacité de l’appareil chez des personnes âgées de 65 à 80 ans et des jeunes de 18 à 35 ans, qui ont été placés dans des conditions de chaleur et d’humidité extrêmes pendant plusieurs heures. Les deux groupes étaient en santé.
L’équipe de Daniel Gagnon, en collaboration avec des chercheurs américains et australiens, a découvert que non seulement le ventilateur n’est pas efficace pour les personnes de l’âge d’or, mais qu’il peut empirer leur situation. Pourquoi ? « Parce que l’efficacité du ventilateur dépend entièrement de la capacité à se mouiller la peau. Or, en vieillissant, on produit moins de sueur qu’une personne plus jeune », explique le chercheur.
Par ailleurs, un ventilateur en marche émet de la chaleur dans la pièce où il fonctionne, et les personnes âgées ne produisent pas suffisamment de sueur pour compenser ce gain. La solution pour elles : s’humidifier la peau avec une débarbouillette d’eau fraîche afin de recréer l’effet de la transpiration, indique le spécialiste. Pour savoir vers quel type de ventilateur vous tourner, lisez nos conseils pour choisir un ventilateur.
Fenêtres : «le nerf de la guerre»
Pour conserver une certaine fraîcheur dans la maison, Denis Boyer, coordonnateur en efficacité énergétique à Écohabitation, recommande de bloquer le soleil de l’extérieur, avant même que les rayons traversent vos fenêtres. « Le bloquer de l’intérieur, à l’aide de rideaux par exemple, fait chauffer tout ce qui voile vos fenêtres, ce qui contribue à faire augmenter la température », explique-t-il.
Vous pourriez empêcher le soleil de pénétrer à l’aide d’un auvent, de volets ou d’avancées de toit. Denis Boyer, lui, a simplement suspendu une toile sous le balcon arrière de son voisin du haut pour protéger sa baie vitrée des rayons. À l’intérieur, privilégiez des rideaux blancs et opaques, dit-il, qui attireront moins le soleil. Des stores, toiles et rideaux conçus pour réfléchir les rayons du soleil existent également sur le marché.
Il est temps de changer vos fenêtres? Envisagez de choisir un vitrage à faible émissivité (Low E). « Il peut réduire jusqu’à 80 % les émissions de chaleur qui pénètrent à l’intérieur en été », note Denis Boyer. Il se révèle aussi avantageux en hiver, puisqu’il laisse entrer le soleil tout en procurant une bonne isolation thermique. Sinon, il existe des pellicules qui se collent sur les fenêtres. Seul désavantage du Low E : vous perdrez en luminosité. À privilégier, donc, pour certaines fenêtres de la maison seulement, indique l’ingénieur de formation.
Toit : le blanc est le nouveau noir
Lors d’une journée ensoleillée de 26 ºC, la température d’un toit plat en asphalte et gravier noir peut atteindre 80 ºC, contre 35 ºC pour un toit blanc et 29 ºC pour un toit végétalisé, indique Christian Savard, directeur général de l’organisme Vivre en Ville. Opter pour l’une de ces deux dernières options aura inévitablement un effet sur la température intérieure de l’immeuble et, si tout le monde s’y met, le quartier au complet en bénéficiera. D’ailleurs, dans certains arrondissements montréalais, comme Rosemont–La Petite-Patrie, seuls les matériaux blancs (membrane ou gravier) ou l’option végétale sont autorisés lors de la réfection d’un toit. À noter que la membrane coûte généralement plus cher que le gravier blanc, mais elle a la réputation de durer plus longtemps.
En période de grosse chaleur…
Votre ami, l’arbre
Les arbres à grand déploiement peuvent réduire la chaleur de 5 à 12 oC par rapport aux zones asphaltées à proximité, dit Christian Savard, directeur général de l’organisme Vivre en Ville. Vous pourriez planter près de votre maison un arbre au feuillage abondant, comme un érable, un bouleau noir ou un micocoulier. Mais avant, vérifiez les règlements municipaux et confirmez votre choix auprès d’Hydro-Québec.
Ressource utile
Outil pour choisir le bon arbre ou arbuste
Arbres.hydroquebec.com
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